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CITÉ DES FORCES VIVES DE KOUDOUGOU : Ça sent mauvais

 Depuis le mois de février, ça bouillonne à la cité des forces vives à Koudougou. Des attributaires de parcelles de cette cité se sont vu dépouiller de leur parcelle sans aucun prévis. A ce jour, il y aurait 27 cas de litiges dont certains en justice. Comment en est-on arrivé là ? Qui tire les ficelles de la discorde ? Et à qui cela profite ? C’est ce que nous avons tenté de comprendre. (NDRL : Pour des raisons qui leur sont propres, nos interlocuteurs ont souhaité l’anonymat. Nous les désignons par des lettres de l’alphabet).

Ça sent mauvais ! Un beau matin du mois de février 2013, monsieur X, résidant à Ouagadougou, attributaire depuis avril 2012 de deux parcelles dans la cité des forces vives de Koudougou, est alerté par un membre de sa famille. Une tierce personne aurait fermé les trous de semelle d’une villa R+1 qu’il devait construire sur sa seconde parcelle qu’il n’a pu mettre en valeur conformément au cahier des charges. En effet, les travaux sur cette parcelle avaient été suspendus juste avant le 11 décembre 2012 à la demande des autorités.

C’est donc avec grand étonnement qu’il a été mis devant sur le fait accompli. Monsieur X se rend alors à la direction régionale de l’Habitat et de l’Urbanisme de l’Ouest pour comprendre ce qui se passait. Le directeur régional en personne, lui explique qu’il perdait automatiquement ses droits sur la parcelle dès lors qu’il n’avait pas pu construire sur ladite parcelle avant le 11 décembre. Monsieur X précise qu’il était hors du pays pour raison de santé (pendant 9 mois) depuis qu’il avait été attributaire de parcelles et que malgré cela, sur son lit d’hôpital, il avait pu faire construire une villa et la mettre à la disposition des festivaliers. « Le directeur régional m’a très bien compris et m’a rassuré que je pouvais continuer mon chantier et qu’il allait dire à la personne à qui on avait réattribué la parcelle de ne pas poursuivre les travaux », a-t-il révélé.

Malheureusement, il apprend de Ouagadougou à son réveil le lendemain, que dans la même nuit, un maçon aurait construit un mur de 7 couches de briques sur la parcelle. La nuit suivante, les travaux étant nocturnes, une maisonnette de 16 tôles est dressée sur le site. Informé en pleine nuit sur l’avancement des travaux, X revient à Koudougou à 2 heures du matin, démolit la maisonnette et le mur réalisés par l’investisseur inconnu. Au lever du jour, il se procure des briques et complète sa clôture. « Depuis ce jour, je continue mes travaux, je n’ai plus été inquiété, je suppose que c’est une affaire classée, puisque personne ne m’a saisi à propos de cette parcelle », estime monsieur X. Monsieur Y, fonctionnaire de son état, a lui, pu tromper la vigilance de la commission d’attribution et avait réussi à se faire attribuer 6 parcelles en utilisant les noms de son épouse et de ses enfants en avril 2012. Aucune de ses parcelles n’a pu être mise en valeur avant le 11 décembre. Lorsqu’il apprend que des gens étaient en train de construire sur ses parcelles, il se rend à Koudougou et à l’aide d’une arme, il menace les maçons à la tâche. Ces derniers se sauvent sans demander leur reste. Monsieur Y, jusqu’à ce jour, continue d’exécuter des travaux sur ses chantiers sans être inquiété. Monsieur S, évoluant dans l’administration publique, a eu moins de chance. « A l’heure actuelle, un puissant a amené tout un conteneur de matériel et est en train de construire un duplex sur ma parcelle après avoir démoli ce que j’ai réalisé », a-t-il confié. Monsieur S qui a déjà investi des millions (fondation de la maison, magasin de 10 tôles et bassin d’eau) se demande qui le dédommagera. Tout a commencé, selon lui, autour du 5 février 2013, lorsqu’il apprend que des ouvriers, après avoir démoli sa fondation, sont en train de construire avec ses agrégats.

Il se rend à la direction régionale de l’Habitat et de l’Urbanisme pour comprendre ce qui lui arrive. Le directeur régional lui fait comprendre qu’il a réattribué sa parcelle à quelqu’un de la liste d’attente au regard du fait que monsieur S n’avait pas respecté le cahier des charges. Toutefois, selon monsieur S, le DR lui dit qu’il pouvait aller poursuivre ses travaux, et qu’il allait demander à l’autre de sursoir aux siens dans la mesure où il n’était pas suffisamment avancé. A sa grande surprise, le dernier venu, au lieu d’arrêter les travaux, accélère de plus belle. « J’ai alors compris que pendant qu’on me disait de poursuivre, on disait à l’autre d’accélérer », déclare-t-il avec amertume. Pourtant, un agent de la direction régionale de l’Habitat lui aurait confié que ce dernier n’avait pas reçu de fiche d’attribution.

Comment l’intéressé a-t-il pu obtenir un branchement de l’ONEA ? puisse lorsque monsieur S s’est rendu à l’ONEA pour une demande de branchement, on lui fait savoir que la même parcelle était au nom de quelqu’un d’autre qui avait déjà déposé une demande. « Ceux qui ont utilisé la violence ont pu récupérer leur terrain. Mais moi je suis non-violent et je préfère passer par la voie légale pour rentrer dans mes droits », déclare l’infortuné. Ces cas de cafouillages constituent la partie visible de l’iceberg. Car il existe tant d’autres cas litigieux que nous avons pu relever à Koudougou sur le site de la cité des forces vives. Selon nos informations, des problèmes de ce genre ont été révélés sur 27 parcelles au total.CITÉ DES FORCES VIVES DE KOUDOUGOU : Ça sent mauvais ! Certains cas seraient entre les mains de la justice dont le cas de monsieur S. Pour celui-ci, les anciens comme les nouveaux attributaires de parcelle à la cité des forces vives de Koudougou sont tous victimes de mensonge et d’escroquerie. Dans cette hypothèse, à qui cela profiterait-il ? Et pourquoi ?

Le film des événements

La construction de la cité des forces vives est une solution que le gouvernement a envisagée pour résoudre les difficultés d’infrastructures de logement lors des célébrations de la fête nationale. A Koudougou, les propriétaires terriens ont accepté de dégager une grande partie de leurs champs, soit 46 hectares pour la construction de cette cité. En contrepartie, ils ont eu droit à des parcelles de 300 m2 sur un autre site, selon le premier adjoint au maire, M’bi Alexis Yaméogo. La commission d’attribution des parcelles dirigée par le gouverneur, le colonel-major Komyaba Pascal Sawadogo, a été officiellement créée le 13 février 2012. Le cahier des charges applicables à la cité des forces vives est signé en avril 2012. Et le jeudi 7 juin 2012 à Koudougou, le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Yacouba Barry, procédait au lancement officiel de la construction des villas de la cité des forces vives. Cependant, la plupart des attributaires, selon S, seraient entrés en possession de leurs fiches d’attribution pratiquement en septembre 2012. Monsieur X a également eu sa parcelle en septembre. Malgré ce délai très court, 110 villas ont pu être achevées et équipées pour le bonheur des festivaliers sur 360 attendues au départ. « Si l’on considère le laps de temps mis pour la construction de ces maisons, c’est une performance qu’il faut saluer », selon le gouverneur de la région du Centre-Ouest. A en croire aux explications du directeur régional de l’Habitant et de l’Urbanisme du Centre-Ouest, Alassane Kaboré, après le 11 décembre, le bilan faisait ressortir 190 villas en cours d’achèvement et 60 chantiers en souffrance, soit moins de 5% du niveau d’exécution.

Ainsi, lors de la rencontre-bilan en fin janvier sur l’organisation du 11-Décembre, instruction a été donnée à la commission, d’entamer les procédures en vue du retrait des parcelles en souffrance. Par contre, un nouveau délai à savoir, fin juin 2013 a été donné à tous ceux qui sont suffisamment avancés, pour achever les travaux. En effet, conformément à l’article 60 du cahier de charges, l’attributaire de parcelle perd son droit de propriété sur la parcelle, si le niveau de mise en valeur constaté à l’évaluation d’étape est jugé insatisfaisant. Toutefois, l’attributaire peut garder sa parcelle dans un délai de 2 mois suivant la notification d’arrêt des travaux par le gouverneur s’il s’acquitte de la taxe de jouissance et des frais de viabilisation. Cependant, jusqu’ à ce jour, aucune notification d’arrêt ou de retrait n’a été adressée aux attributaires défaillants. Le directeur régional de l’Habitat et de l’Urbanisme lors d’un entretien le 15 mars 2013 nous a confié : « Nous avons fait le point à notre niveau et nous attendons que la commission siège pour délibérer ». Le directeur régional qui est également rapporteur de la commission relève que normalement, les attributaires défaillants devraient suspendre les travaux et attendre que la commission siège pour statuer sur leur sort avant de poursuivre. De son côté, le gouverneur juge que ce ne serait pas équitable envers tous ceux qui ont achevé leurs villas à temps pour les mettre à la disposition du comité d’organisation du 11 décembre 2012. « En principe, après la délibération de la commission, le gouverneur en tant que président de la commission d’attribution des parcelles, devrait écrire au ministre des Finances pour demander une dérogation de paiement de taxe concernant les parcelles en souffrance », a déclaré le directeur régional. Ce qui ne devrait pas tarder car, selon le gouverneur, la commission est appelée à siéger incessamment. A l’issue de cela, l’article 58 du cahier des charges prévoyant que la gestion administrative et technique de la cité des forces vives soit rétrocédée à la mairie pourra entrer en vigueur. En attendant, on constate pourtant, partout sur le terrain, que les constructions se poursuivent à tous les niveaux quel que soit l’avancement et des fouilles sur les terrains nus. Aussi, les situations litigieuses deviennent de plus en plus nombreuses, dues à « des occupations anarchiques », selon les termes du directeur régional. Le gouverneur qui a demandé au directeur régional de lui faire le point de toutes les situations conflictuelles attend impatiemment afin de voir comment trouver des solutions. En réalité, cette situation soulève de nombreuses questions : comment peut-on expliquer ces occupations anarchiques sur une zone viabilisée ? Peut-on accepter investir des millions sur une parcelle sans un titre foncier dûment délivré par l’autorité compétente ?Dans un tel contexte, tout cela semble difficile à imaginer. Et pourtant, le directeur régional de l’Habitat et de l’urbanisme est formel. « Il n’y a pas eu réattribution de parcelle après le 11 décembre 2012 », a-t-il déclaré. Et d’ajouter que seule la commission d’attribution peut statuer sur le sort des attributaires défaillants. Pendant que le gouverneur affirme que tant qu’un attributaire ne vient pas signaler son incapacité à poursuivre les travaux, sa parcelle ne peut être réattribuée. Il reconnaît cependant qu’il y a eu des désistements volontaires : « A un moment donné, nous avons été amenés à donner un délai aux attributaires. Certains qui n’avaient pas encore commencé ont eu le courage de nous signaler qu’ils ne sont pas en mesure de poursuivre et qu’ils voulaient rétrocéder leur parcelle à une tierce personne. Ce que nous avons accepté puisse que notre finalité est que les maisons puissent être construites ». A qui profite la confusion ? Si tel est le cas, comment peut-on expliquer l’existence de 27 cas litigieux ? (une soixantaine de parcelles susceptibles d’être retirées, NDLR). C’est-à-dire, celles jugées être à moins de 5% d’exécution par les techniciens de la direction régionale de l’Habitat. Ce sont justement sur ces parcelles qu’ont eu lieu les occupations dites anarchiques. Quelqu’un, bien avisé évidemment, s’est permis de procéder à une réattribution de parcelle, sans que les propriétaires en question aient désisté ou sans que la commission ait statué. Nous avons connaissance de fiches d’attribution datées de janvier 2013 et signées du gouverneur lui-même. Quelqu’un falsifierait-il la signature de celui-ci pour escroquer d’éventuels acheteurs ? C’est le cas de monsieur Z, religieux résidant à Ouagadougou.

Après le 11 décembre, il est informé par son ami résidant à Koudougou de la disponibilité de parcelles à la cité des forces vives. Ce dernier qui se dit être dans le « circuit », affirme qu’il peut lui trouver une parcelle s’il déboursait la somme de 600 000 F CFA. Effectivement, on lui procure une copie de sa fiche d’attribution signée de monsieur le gouverneur du Centre-Ouest et datée du 30 janvier 2013. Cependant, pour entrer en possession de l’original de la fiche d’attribution de la parcelle, on lui demande un complément de 300 000F CFA. Ce qui est corroboré par monsieur S, expliquant que le nouvel attributaire qui a occupé sa parcelle, aurait déboursé la coquette somme de 2 millions de francs CFA. Or pour l’instant, les seuls frais demandés aux attributaires se résument à 15 000F CFA de frais d’inscription. A qui revient donc les sommes versées par les réattributaires et acheteurs ? Ce qui est évident, est que par cupidité, quelqu’un s’adonne à des ventes ou à des attributions illicites. Pour monsieur S, le silence coupable des premiers responsables en dit long sur les intentions. Affaire donc à suivre…

Fatouma Sophie OUATTARA



03/04/2013
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